Campocologno... Voilà un nom qui fait rêver, tout comme le voyage en train pour y arriver. Je n'ai pourtant pas passer la frontière mais me voilà déjà en Italie. Petite maisons en pierres, toits en lauze, épicerie vendant tout et n'importe quoi, allant des cuillères en argent à la nourriture pour oiseaux et où la vendeuse, clope au bec, doit monter à l'étage pour me faire du change sur 100.-.

Je pars à la recherche d'une guérite qui aurait été naïvement laissée ouverte par son propriétaire. Je grimpe des talus embroussaillés de ronces mais ne trouve rien d'autre que des petites cabanes solidement cadenassées. Je tombe sur une conduite forcée descendants au village accompagné de petits escaliers. Je m'apprête à amorcer la descente quand je me souviens que cette semaine, j'ai toujours trouvé mon bonheur en hauteur... Des centaines de marches m'attendent, sur une pente de 100%.

J'arrive en haut à bout de force, vidé, mais bien motivé à trouver un toit. Je me rends vers une ferme où un border collie joueur et un labrador aveugle me font la fête. Je frappe à la porte et un barbu entre deux âges ouvre. Je bégaye mes deux mots italiens de sauvetage: "Dove dormire?" (avec bien entendu le mime qui va avec.)

Monsieur n'ayant pas l'air tant motivé à m'aider, je continue ma route. Une autre maison, mais le propriétaire ferme les volets à mon approche. Je comprends le message et passe tout droit. J'arrive à la dernière habitation du coin. Le propriétaire n'a pas l'air d'être là mais une remorque à bétail attire mon attention. Elle est vide, et malgré le sol mouillé et la grosse flaque d'eau, j'arrive à imaginer comment positionner mon matelas.

La nuit tombe et mon ventre gargouille.

Ne me sentant pas vraiment le bienvenue dans ce hameau, je décide de me la jouer discret et m'installe derrière un muret pour préparer mon souper. Caché quand une voiture passe sur la route au dessus et espérant qu'elle ne remarque pas la fumée de mon chauffe eau. Je m'apprête à manger lorsqu'un véhicule s'arrête devant la ferme. Je vais devoir m'expliquer... Ce sont deux polonais venant décharger une balle de foin pour le petit troupeau de chèvres rayées des grisons, la race endémique. Ne sachant que dire "Putain", "Merci" et "Bonne nuit" en polonais, je n'arrive pas à me faire comprendre et retourne donc manger mes poix chiches.

Un deuxième véhicule. Deux lampes torches s'approchent. Je sais déjà à qui j'ai affaire avant d'entendre leur charmante présentation.

"POLIZEI!"

Les deux kurva de polonais ont du me prendre pour un voleur de batterie de tracteur...

Un policier parle français, c'est déjà pas mal. Je sors mes papiers, explique ce que je fais ici, bref, la routine. Les poulets des grisons sont sympa, me laissent dormir dans la bétaillère et s'en vont.

Jacek et Mikolaj (prénoms d'emprunt), s'affaire autour d'une vieille caravane que je n'avais pas osé approcher. Il me font comprendre que je pourrai dormir dedans. J'en reviens pas. Il y a 10 minutes, ils appelaient les flics, et les voilà maintenant entrain de caler la béquille de la roulotte et de faire de l'ordre à l'intérieur. Ils se sentent peut-être honteux d'avoir interrompu mon repas?

Un grand lit, à l'abri du vent et des insectes rampants, que demander de mieux après une histoire pareil... Dzieki! Merci !