Terminus, tout le monde descend.

L'arrêt de bus Chancy-douane se trouve, comme son nom l'indique, à deux pas de nos chers voisins.

Cette dernière étape n'est pas la plus palpitante. D'une part parce-que je me trouve à quelques kilomètres de Genève, d'autre part parce que le paysage est plat et dénaturé.

Je pars en direction du sud, sur un sentier longeant le Rhône. Je n'ai plus la moindre goutte d'eau avec moi et m'arrête donc devant une flaque trouble et stagnante. Je sors de mon sac ma LifeStraw© et suce à même la flaque quelques gorgées d'eau. Le micro-filtre de la paille est sensé éliminer toute bactéries indigeste. Si je choppe la chiasse, je rendrai cet engin à ma sœur, qui me l'a offert. Je rempli également ma bouteille dans le Rhône et y plonge 2 pastilles de purification pour éviter de boire de la pisse de valaisan.

Il est déjà 18h lorsque j'entre dans une forêt et dois sortir ma lampe frontale pour y voir un peu plus clair. Le sol est inondé par les intempéries de la journée et me retrouve donc à jouer à la marelle entre les gouilles. Quelques primevères annoncent déjà l'arrivée du printemps. Je marche plus d'une heure dans cette forêt et ne vois presque plus rien, malgré ma lampe. J'arrive près d'une borne délimitant la frontière Suisse-France. J'hésite quelques instants à la déterrer et à la replanter plus au sud, pour nous faire gagner du terrain, mais me résigne finalement à continuer mon chemin.

Je finis par rejoindre la rive du fleuve, après avoir exploré suffisamment cette forêt sombre, dense, et surtout démunie de tout abri convenable. Cette fois, je remonte le courant en scrutant attentivement les quelques mètres de visibilité qu'il me reste. Je me laisse surprendre par un couple de cygne décollant de la surface de l'eau, imaginant tout d'abord un alligator montant sur la berge.

Un peu plus loin, je m'aventure sur une presque-île cassant l'élégante courbe du rivage. Cet endroit est magnifique et je m'apprête à monter ma tente, mais je sens que quelques chose cloche. Je regarde à mes pieds et constate que l'herbe est couchée dans la direction du fleuve. Cet endroit a été submergé récemment. Il est hors de question que je me réveille dans la méditerranée.

Si je continue à chercher l'endroit parfait, je risque d'y passer la nuit. Je me connais...

Je m'avoue donc vaincu et bifurque vers ce qui s'apparente à une clairière où j'installe mon bivouac. Je monte ma tente réservé pour les "cas d'urgence" comme celui-ci. Au moins, je ne l'aurai pas emporté pour rien.

Un peu de riz et un reste de vin rouge du Piémont qui aura fait les 10 heures de trajets avec moi aujourd'hui.

Il se met à pleuviner.

Je ne suis pas loin d'une réserve naturelle, ce qui me permet d'apprécier les derniers chants de quelques bécasses, contrastant avec le fracas des oiseaux de fer, en migration constante et ne dormant jamais.

Dormez bien, petites bécasses.